Confidences

Les romans de Philippe Djian ne sont pas des simples romans mais un traité de savoir-vivre. De savoir comment vivre. Et vous, de quelle manière vivez-vous à la Djian ? Racontez-moi… (Rubrique Contact par courriel ou formulaire).


Adélie ESTER > HISTOIRE VRAIE : Une déflagration émotionnelle en 5 lettres

 


Djian ?
On aime
Ou on n’aime pas !
Moi j’ai aimé dès les premiers mots
J’ai aimé amoureusement
J’ai aimé chaque mot
Chaque chapitre
Tous les univers produits par ses histoires
J’ai aimé
Tellement
Que j’ai lu ce premier livre sans discontinuer
D’une seule traite
Je l’ai emmené partout
Dans tous mes voyages
Je l’ai lu sous tous les paysages
Sa lecture était rassurante
Çà et là, il y avait un peu de moi
J’étais jeune
J’étais très Rock’n’roll
Je vivais à la Djian
Ce livre ?
Zone érogène !
Se sont ensuivis tous les autres
Avec toujours autant de plaisir
Cet univers qui me bouleverse toujours
Quand je lis Djian, j’entends la musique à travers les mots
Je vois des couleurs
Je perçois les odeurs
J’ai chaud, j’ai froid
Malgré le tumulte des histoires, je me sens apaisée
Et puis un jour, j’ai écouté Stephan Eicher
J’ai reconnu l’écriture de Djian
La boucle était bouclée
L’écriture et la musique
Âme fidèle
Je savais que cette histoire allait durer
40 ans plus tard, à la découverte d’un nouveau roman, la même émotion me happe
C’est un rendez-vous d’Amour
Toujours
D’ailleurs le ciel de mon sud
Est souvent Bleu
Bleu comme l’enfer

Christelle


J’ai connu Philippe Djian par la bande si l’on peut dire – c’est-à-dire par Stephan Eicher !

Les textes des chansons me parlaient immensément. C’était la seule alternative intelligente que je trouvais alors à Bashung ou à Murat et à leurs paroles irréprochables mais très sophistiquées. Eicher chantait des choses étrangement simples, mais qui se caractérisaient d’abord par une lucidité tranquille et reposante, ensuite par l’usage intensif de toutes les expressions idiomatiques possibles qu’offre la langue française. C’est beaucoup cela qui faisait « sonner » les phrases.

J’ai commencé à dévorer les premiers livres du monsieur à l’époque de la trilogie « Sainte-Bob ». Il venait de publier Assassins, qui fut donc mon baptême, et travaillait probablement sur Criminels.

J’ai enchaîné avec Bleu comme l’Enfer – une approche très différente, plus poisseuse, incisive, et plus américaine. Les deux romans ont été de gros chocs, pour des raisons très différentes.

Je réfléchissais alors sur l’écriture – le premier déclic, à la même époque, avait été Henry Miller. Les deux se répondaient très bien. J’ai avalé tout ce que j’ai pu de Philippe Djian et aujourd’hui, même lorsque je croule sous les lectures simultanées, je mets tout en stand-by dès lors qu’il publie un nouveau roman, et je passe une semaine dessus. Et, bien souvent, j’y reviens plus tard…

On sait – parce qu’il l’a dit et redit – que ses propres inspirations sont surtout américaines. A moi, il a toujours fait l’effet, malgré tout, d’être le plus japonais des auteurs hexagonaux. Pour l’économie de son écriture et sa tonalité paisible, pour les préoccupations éthiques (et non morales) qui sous-tendent toujours ses récits. Pour ce retour constant, au milieu de ses histoires, à l’observation de la météo et du climat – comme si leur description, très courte, très orientée, donnait la température de tout le reste… Il a beau parler de Faulkner et de Brautigan (et en comprend très bien tout ce qu’il leur doit aussi), je trouve qu’il y a du Soseki et du Kawabata, voire du Bashô, chez Djian.

C’est surtout dans cette dimension qu’il oriente implicitement mon regard, sur le monde et sur l’écriture.

Morgan Iadakan


Pour commencer je citerais un génial échantillon de son écriture pour une chronique :

« Je sais pourquoi la presse est malade. Ce matin je lis Lou Reed est mort. Et aussitôt je lâche le journal dont les feuilles s’envolent au vent. Lire de telles absurdités de bon matin vous gâche la journée et vous tord le ventre. Lou Reed est mort, et moi, je suis la reine d’Autriche. Ecrire de telles imbécillités n’est pas puni dans ce pays. Lou Reed est mort. Je l’écoutais encore à l’instant. Cette voix, aïe aïe, quel incommensurable charme. Personnellement, l’alarme de mon réveil sonne sur Perfect Day et il est rare que ça ne me mette pas de bonne humeur, d’ailleurs je ne sais pas comment je pourrais m’en passer. Vous n’allez pas y gagner à colporter n’importe quoi, à dire ces conneries. Comme ces mots : «Lou Reed était devenu une vieille grenouille à bajoues.» Ce n’était pas nécessaire. J’ai lâché les pages au premier courant d’air – en fait, une créature invisible me l’a brusquement arraché des mains. » Philippe Djian, Libération, 09/11/13

Une histoire ? oui, il y en a une. Vous en trouverez le résumé sur n’importe quelle plateforme. Moi, ce que je savoure chez Philippe Djian, c’est l’ambiance de l’écriture. Lui appelle ça le style. C’est une atmosphère, un arrangement de vocables. Pour lui, je préfère le terme de vocable. Mot serait trivial. Comment se fait-il que la musicalité de ses vocables, groupés dans l’ensemble d’une phrase résonne de façon si harmonieuse, si jubilatoire ? Il y a le travail, bien sûr, mais il y a aussi le truc magique, cette chose qui fait qu’un texte, un tableau, une photo, etc. est transcendée, sublimée par cette incompréhensible chimie qui nous fait ressentir l’âme humaine. Avec tout ce que cela implique d’agacement, d’empathie, d’émotion, de vibration. C’est ça, l’Art. Comment mettre le doigt dessus ? C’est une immense question … et voilà son intérêt ! Non pas une certitude, mais un doute. Et quand on écrit sur le doute, nul besoin de point d’interrogation. Ce n’est pas particulièrement beau, ni particulièrement grand, pourtant c’est vivant, comme nous, juste comme nous, ici et maintenant. Voilà pourquoi l’art est multiple et ressenti de mille façons par mille personnalités. Notre intime diversité humaine vogue au-dessus des lieux communs, des idées reçues et du marché de l’art. Philippe Djian a su garder une authenticité qui touche au plus profond. C’est un travail,  un travail de titan que d’arriver à transmettre cette chose qui semble si simple, (re)trouver la pureté de l’écriture.

La pureté est la propriété d’un objet de ne pas contenir de corps ou d’éléments étrangers. Le caractère de ce qui n’a pas été mélangé.

« […]

– Dernière question, Lou, votre définition du rock’n’roll ?

– La pureté spirituelle, avec le rythme en plus. Le rythme du cœur. »

François Armanet – Le Nouvel Observateur

Martine – https://culturieuse.blog/


Je viens de terminer « Sans compter ». Toujours ce style incomparable, mais là, je trouve qu’il a créé une narration aussi insolite qu’originale. Cet Opus est une merveille!

Martine – https://culturieuse.blog/


 

« Zone érogène, je peux le relire régulièrement avec le même plaisir. J’ai l’impression de retrouver ma maison intérieure. Dès que je m’éloigne de la lecture, celui qui me remet en selle c’est Philippe Djian. Depuis l’adolescence je rêve de réaliser Sotos. »

Florence


« Philippe Djian, l’un de mes auteurs préférés ! Sa découverte, adolescent, est liée à des souvenirs d’été, à lire « 37°2 le matin » ou « Maudit manège ». Dans la chaleur et même la moiteur (pourtant au cœur de la Normandie) qui collaient si bien aux lignes que je dévorais. J’ai toujours suivi Djian, au mot près, j’ai goûté toutes ses productions. Tout lu, en fan absolu, jusqu’au point final de la dernière saison de « Doggy bag ». Aficionado, à l’époque des « malgré que » puis sans les « malgré que » et puis au retour des « malgré que ». Tout le roman est projeté dans ses premières phrases. Le style avant tout et sans concession. Mais aussi ses personnages que tu prends sous ton aile, avec leurs déchirures et leurs bosses. Toujours la vision décalée de l’auteur, de chaque côté et au milieu des eaux de la Sainte Bob ! J’en suis même d’autant plus amateur de Eicher, par les paroles de Djian. Je suis d’ailleurs heureux de les avoir vus ensemble sur scène, à Val-de-Reuil (27), au Théâtre des Chalands. Djian pour toujours ! »

Éric


« J’ai découvert Philippe Djian tout à fait par hasard.
Je passais un week-end chez ma sœur à Paris. Au moment de repartir à la gare, je lui demande si elle n’a pas un bouquin à me prêter, pour le train, je n’ai plus rien à lire. Elle me dit « tiens, c’est pas mal ça », et elle me tend le premier tome de Doggy Bag.
Dans le train j’ouvre le livre, sans trop d’espérance, la 4ème de couverture ne m’ayant pas emballée. Mais en fait, de page en page, j’ai été tout à fait absorbée par le texte, l’histoire, les personnages, l’atmosphère. je l’ai dévoré. Et rapidement j’ai acheté les autres tomes. Puis d’autres romans. Et puis aujourd’hui, (15 ans après) tous.
A chaque fois je suis absorbée, téléportée, émue. Certaines phrases sont percutantes, et traduisent si bien ce que je ressens parfois mais ne parviens pas à exprimer. Je me sens comme complice du narrateur et ai tellement de sympathie pour lui (ou elle!).
Avec Sans Compter je n’ai pas été déçue, dans les méandres de l’amour, de l’amitié, du désir, de la vie. »

Hélène


« 1984, j’ai 20 ans, je lis beaucoup. Un France Loisirs ouvre dans le quartier. Pas vraiment convaincue par cette enseigne, je tente malgré tout une approche. Et là, je vois un titre « Zone érogène »… Intriguée, je lis la 4ème de couverture. Curieuse, je tente. Je dévore et commande illico « Cinquante contre un » dans la librairie du coin. Puis « Bleu comme l’enfer ». Je me dis simplement que cette écriture correspond exactement à ce que j’attends de lire depuis longtemps. Une révélation : il n’y a pas que la littérature classique. Il existe une autre littérature française, des livres qui m’embarquent, qui parlent à et de ma génération. J’en parle partout autour de moi, hyper fière d’avoir découvert un écrivain aussi génial… que personne ne connait à l’époque. Pour la petite histoire, à la même période j’écoute « Les chansons bleues » (NDLR : Les Chansons Bleues, album de Stephan Eicher paru en 1983)… Quel bonheur et quel trouble j’ai ressenti quand, en regardant Les enfants du rock j’ai vu deux de mes deux artistes préférés réunis par Antoine de Caunes à Biarritz, où, à cette même époque, je passais tous mes week-ends ! La boucle était bouclée, pour mon plus grand plaisir. Et depuis, pas un livre de Djian ne sort sans que je le lise. »

Carole J.


« Quand je vous dis qu’il y a des livres qui vous marquent au fer rouge, et bien en voilà la parfaite illustration : « Echine », de Philippe Djian. Non seulement ce livre m’a donné goût à la lecture, mais il a aussi totalement changé ma vision de l’écriture.
Ici, vous ne trouverez pas de scénario incroyable, pas de rebondissement toutes les deux pages, pas de super héros invincible, pas de cadavre à chaque coin de rue, pas de vibrante histoire d’amour. Non, avec « Echine » on a simplement affaire à des personnages forts et attachants dont on partage, le temps d’un roman, les existences.
Il y a Dan, le narrateur, ex-auteur à succès revenu de tout, même de l’envie d’écrire. Il y a Paul, son agent, qui veut toujours lui dégoter des contrats, quitte a ce qu’il ponde des inepties. Il y a Hermann, le fils de Dan, jeune homme en proie aux affres de l’adolescence. Il y a Sarah, sa veuve de voisine avec qui il entretient une relation ambiguë. Gladys et Richard, ses enfants. Et puis il y a aussi Elsie, maîtresse occasionnelle, véritable tigresse lorsqu’il s’agit de faire l’amour. Bernie et Harold, ses voisins homosexuels aux relations conflictuelles, ou encore Marianne, sa collègue de bureau, tour à tour hautaine et attendrissante…
Une galerie de personnages hauts en couleurs auxquels on s’attache irrémédiablement, qu’ils soient bons ou mauvais. Car c’est là toute la force de Djian : affubler ses personnages de suffisamment d’ambivalence pour qu’on ne puisse ni tout à fait les détester, ni tout à fait les aduler. Chacun d’entre eux renferme une part d’ombre, une autre de lumière, affiche des forces et des faiblesses… Il n’y a pas de héros parfait, pas non plus de pourri total.
Et puis il y a cette ambiance, cette atmosphère, cette douce mélancolie qui plane en permanence au dessus de l’histoire. En fin de compte, cette tranche de vie se dévore de façon si succulente qu’on en arrive à être triste une fois la dernière page tournée.
J’ai refermé ce roman avec la sensation d’avoir vécu durant un long moment aux côtés de ces personnages, de faire un peu partie de leur histoire, comme un témoin privilégié. Et puis voilà, d’un coup, c’était terminé. L’histoire était finie et j’aurais bien aimé qu’elle continue comme ça, presque indéfiniment. C’est une histoire qui marque, un livre qu’on n’oublie pas… Sans doute le meilleur qu’il m’ait été donné de lire. Alors un seul conseil : lisez-le ! »

 

« « Vers chez les blancs » ou quand Djian s’amuse à faire du roman porno. L’histoire est celle d’un écrivain en perte de vitesse (quelle surprise !) qui entraîne la femme de son meilleur ami dans un tourbillon érotique dévastateur. Comme d’habitude avec Djian, soit on adore, soit on déteste, il n’y a pas vraiment de juste milieu possible. Ses personnages ont des caractères bien trempés, des contours saillants comme des lames de couteaux. Son style hors-norme continue d’en faire un auteur à part, un de ceux qui écrivent avec leurs tripes et se fichent pas mal des carcans de la littérature traditionnelle. »

Franck Pélissier


« Été 2020, entre 2 vagues de COVID, je visite la Bretagne où je rejoins Florence, l’une de mes amies de longue date, qui depuis peu est retournée vivre chez son père, à Saint Brieuc. J’en fais l’agréable connaissance, cet homme est un personnage de roman, professeur de français retraité, allégorie d’une gauche soixante-huitarde, écrivain à ses heures, fumeur de pipes, éloquent, le regard vif et l’amour pour le mot d’esprit. Sympathiquement hébergée chez eux, mon amie me fait visiter la ville et sa fameuse baie, près de laquelle nous dînons. Le soir, nous regagnons la maison de son père, non loin du centre, et à ce souvenir, la même étrange sensation me reprend. A peine la porte passée, je me transporte instantanément au cœur des années 70. L’odeur de tabac imprègne le papier peint d’époque, qui recouvre les murs, les portes, les plafonds. On m’offrira le lit du bureau situé à l’étage dans lequel un bazar organisé occupe chaque centimètre carré de la pièce, éclairée de lumières feutrées et dans laquelle je me revois ébahie, scruter le moindre détail du genre. Le sol est recouvert de vieux tapis qui s’enchevêtrent, rouges, noirs, marrons. D’un côté trône une horloge dont la trotteuse joue toutes les demis secondes et qui m’empêchera de trouver le sommeil. De l’autre se tient le secrétaire et la machine à écrire sur laquelle le père de mon amie tape, tout près d’une lampe à dôme vert et au pied en bronze. Des photos et dessins de femmes nues témoins d’un passé libéré, sont accrochés ici et là comme dans toutes les autres pièces de la maison, et sur chaque pan de mur, s’étalent des bibliothèques pleines, et dotées d’un marchepied ou d’un escabeau pour en consulter les livres qui en ont élu domicile. Je m’y risque, presque inquiète que l’une d’entre elles ne me tombe dessus, et ici les plus grands auteurs se mêlent Sartre, Camus, de Beauvoir, Lessing, Wolf, romans, théâtres, poèmes, essais, français ou internationaux en versions originales. Ivre de ces trésors, je m’installe enfin dans le lit d’un autre âge sous une couverture de lit ocre et tissée, dont le modèle identique ornait le lit de mes grands-parents trente ans plus tôt. Allongée, une rangée de livres au dessus de la tête, je découvre en me retournant, Philippe Djian, dont une série d’une quinzaine d’ouvrages est parfaitement alignée. Je tombe sur 37°2, et j’apprends en ignorante que le film est tiré de son œuvre. Je me note à moi-même de découvrir cet auteur, en souvenir du voyage dans le temps que j’ai fait cette nuit-là, et qui me transportera 10 ans plus tard, grâce aux pages de 2030. »

Laurianne


« J’ai découvert 37°2 le matin alors que je n’avais que 15 ans. Ma mère et moi trainions à France Loisirs un samedi après midi, et c’était d’un ennui mortel…
Soudain j’ai remarqué la couverture, Zorg et Betty, un pinceau à la main.
Le roman avait sans doute été réactualisé suite au succès du film que mes parents m’avaient interdit de voir puisque je n’avais pas l’âge…
Subjuguée par la couverture du livre, je demande à ma mère de me l’acheter. Elle fit la moue mais l’acheta quand même me menaçant avec des « tu as intérêt à le lire ».
Dès la première ligne je fus scotchée. Je passais de Flaubert et Maupassant à une écriture crue, violente et pour le moins fascinante. Le choc littéraire.
Je l’ai dévoré en 4 jours. Quelques années après j’ai vu le film. Un choc cinématographique. Tout y était comme dans le roman, les couleurs, la noirceur, l’odeur, absolument tout.
A partir de ce jour, j’ai enchainé tous les autres, quitte à mentir sur mon âge au libraire « qui me trouvait trop jeune pour lire ce genre de livres ». Je me suis arrêtée à Crocodile, je ne sais pas pourquoi, les études et le manque de temps peut-être. Je n’ai pas repris Djian depuis.
Mais votre site me redonne envie. Alors pourquoi pas retenter ? »

Laëtitia