EN MARGES

 

 

  • Avant-propos (EN MARGES, pages 15 et 16) – Droit de reproduction accordé par David Desvérité

« Curieuse idée que de vouloir reconstituer le parcours d’un écrivain qui répète ne pas attacher d’importance aux histoires. Pas plus à celles dont il est question dans ses livres qu’à la sienne. J’ai découvert les romans de Philippe Djian à la fin des années 1980. À cette époque, Zone érogène m’a complètement retourné. J’ai alors décidé de suivre fidèlement cet écrivain, de marcher à ses côtés en le laissant me raconter ce qu’il désirait. Les romans de Djian possèdent toujours cette mélodie si particulière, ce style aussitôt identifiable, cette magie dans l’écriture. Depuis, l’homme a changé, son regard a mûri, et sa manière d’écrire, de tordre la phrase, s’en ressent.

Philippe Djian a lui-même révélé de nombreux pans de son existence, par touches successives, parcellaires, approximatives. Bien des anecdotes ont été distillées à l’occasion d’interviews, bien des souvenirs ont émergé dans des ouvrages d’entretiens. Depuis le début des années 2000, je lui consacre un site internet pour lequel j’ai rédigé une courte biographie, inspirée d’éléments épars glanés ici ou là. En dépit de ses erreurs et ses approximations, celle-ci a inspiré tous les nécessiteux en mal d’informations, éditeurs, journalistes, internautes qui n’ont jamais pris soin de vérifier l’exactitude de mes dires… Dès lors, l’idée a fait son chemin. Rédiger une solide biographie de l’auteur de 37°2 le matin, documentée, structurée, pour raconter l’histoire de cet écrivain atypique qui, depuis plus de trente ans, publie avec une régularité déconcertante pour un lectorat qui ne l’a jamais boudé.

La première fois que j’ai rencontré Philippe Djian, c’était à l’occasion d’un concert littéraire, en septembre 2010. Je ne lui ai pas immédiatement parlé de ce projet de biographie. L’envie, pourtant, ne manquait pas. Nous nous sommes revus et, malgré quelques réticences bien compréhensibles, il m’a accordé sa confiance, me laissant les coudées franches pour mener mon travail sans jamais intervenir. Ce que j’ai fait durant de longs mois, exhumant d’anciens articles de presse, fouillant dans les registres d’état civil, interviewant des proches, visionnant ses premières émissions de télé. Malgré quelques zones restées lacunaires, je pense être parvenu à reconstituer le puzzle de cette existence qui, quoi qu’en dise le principal intéressé, éclaire son œuvre d’une autre lumière. Même s’il n’est pas avare de confidences, le romancier ne trouve pas d’intérêt à ce que l’on raccroche tous ces petits wagons d’existence pour reconstituer le train de sa vie. Lui qui affirme se moquer de la postérité comme des critiques, prétend que son histoire n’a pas grand-chose à voir avec l’écrivain qu’il est devenu, et qu’il ne faut chercher aucune clé autobiographique dans ses livres. A vous de juger. »